Une toute petite brèche parmi d’autres.

On pue la sueur, le vent et la boue, on a les cheveux en bataille, nos sacs, tentes et paquets sont ficelés tant bien que mal sur des roulettes, nous venons de quitter à regrets de belles personnes dans une chouette Zone d’autonomie à défendre.

Mais un homme (pressé ?) nous attend quelque part, je me résous une dernière fois à nous embarquer dans un train qui va vite. Entre deux wagons, un sauvageon s’apprend à lire en déchiffrant des dessins de propagande contre l’aéroport et son monde, un autre bricole un bâton taillé et des ficelles… J’informe un contrôleur qui passe que je n’ai pas de billet pour la petite horde que nous sommes et que je n’ai pas non plus un sou en poche (ni en banque). « Une amende, c’est des dizaines d’euros à multiplier par le nombre de personnes sans billet, dans votre cas pas loin de 150 euros » explique vite le barbu bonhomme qui, sans sembler hésiter un instant, choisit de… continuer simplement son chemin en nous gratifiant d’un immense sourire, puis d’un « Alors je vous souhaite un très bon voyage ! » Quelques secondes de grande joie pour lui comme pour nous ! (Et pour moi, aussi, l’espoir que telle preuve d’humanité et telle jubilation ne dépendent pas de la gueule du client mais de la satisfaction due au sabotage bien accompli.)