Embouteillages, klaxons et passants pressés…fin de journée dans la capitale.
Les personnes s’ammassent à l’abribus du terminus dans l’attente du prochain convoi, qui tarde à arriver. Le voilà qui vient! On s’engouffre dans les portes qui s’ouvrent et chacun prend sa place.
A l’arrêt suivant, deux femmes montent par la porte de l’arrière. Une mère et sa fille. Un dialogue débute entre elles.
-Mais où sont les machines pour composter les tickets?
-C’est bon maman, c’est pas grave, on s’en fout.
La mère reprend de plus belle et élève cette fois un peu la voix:
-Je veux poinçonner, quelqu’un pourrait-il m’aider?
Je m’autorise une petite intervention:
-Vous savez, madame, avec le nombre qu’on est dans ce bus, on ne risque pas vraiment d’être contrôlés…Votre ticket, vous pouvez le garder.
Elle lance une question en l’air:
-Mais… vous avez bien tous un ticket j’imagine…?
Les réponses fusent alors tout autour d’elle:
-Ben non, pas moi…
-Moi non plus!
La dizaine de personnes qui l’entourent lui répondent la même chose, une à une. Les sourires et les regards complices naissent à chaque nouvelle personne qui assume publiquement sa fraude.
La femme demande, interloquée mais avec un petit ton presque amusé de la situation: -Je ne suis quand même pas la seule cruche à payer mon ticket dans ce bus?…
Un long silence lourd de sens suit cette question et les sourires malicieux s’échangent de siège en siège.
Elle demande à une vielle dame un peu plus loin:
-Et vous madame, vous avez un titre de transport?
Sa fille réagit et la coupe directement:
-Non mais oh, maman, tu vas pas commencer à faire ta contrôleuse non plus!
-Je ne suis pas une contrôleuse, je veux juste être honnête…
Elle poursuit tout de même et lance autour d’elle, mais sans vraiment y croire, un:
-Et… vous n’avez pas honte?…
Ce à quoi, une femme, acompagnée d’une poussette et de ses trois enfants, lui répond un peu sèchement:
-C’est vous qui devriez avoir honte de leur donner de l’argent!
Quelques rires contenus fusent devant ce renversement de situation inattendu mais bien approprié. A l’arrêt suivant, une floppée de nouvelles personnes viennent remplir les quelques espaces vides. Mais, de nouveau, aucun “bip” ne se fait entendre à l’horizon, la machine reste tragiquement muette.
Ce court voyage en bus bondé aura eu le mérite de me donner une petite bouffée d’air frais dans l’athmosphère étouffante de traque aux fraudeurs, voleurs et autres mauvais payeurs, isolés, culpabilisés et écrasés, un à un.